On dit de lui qu'il est comme les bricelets : de toutes les fêtes. En effet, on le rencontre partout : fêtes nationales, abbayes, réceptions de notables ou baptême de la vendange.

Note colorée dans les manifestations officielles dites sérieuses, le costume habille souvent la gracieuse personne chargée de la remise du traditionnel bouquet. Qui d'ailleurs n'a pas jeté un regard attendri sur un "couple de Vaudois miniature" lorsqu'il est revêtu par de mignons bambins ?

Porté dans les grands rassemblements, que ce soit pour le chant ou pour la danse, aux fêtes des costumes ou des vignerons, il gomme les différences : chacun ainsi paré, nul ne pourrait voir aujourd'hui dans son costume le métier de celui qui le porte. Seyant à tout âge, il souligne la fraîcheur de la jeunesse et adoucit les traits fatigués. Ses jupes amples effacent les rondeurs, alors que son corsage ajusté met en valeur la silhouette.

Mais d'où vient ce costume ? A vrai dire, bien que la Suisse soit le premier pays d'Europe à avoir rénové le costume national, nul ne saura jamais exactement l'origine d'un habit qui, comme tout vêtement, a traversé les modes, mais a subi au cours des ans bien des transformations.

Jusqu'au 18e siècle, il n'y a pas eu de "costume" proprement dit. La pauvreté du peuple paysan ne permet que la confection de pièces rudes et solides, sans aucune recherche d'élégance. Car il faut souligner que le costume régional est né dans les campagnes : son origine est intimement liée aux coutumes, à l'histoire, à la vie religieuse et aux métiers. La mode des villes aux siècles passés allait déjà très vite, se calquant sur celle des cours d'Europe, alors que le paysan par manque d'argent, tout simplement, conservait plus longtemps un vêtement de base, le modifiant ou l'adaptant par l'apport d'un ornement ou une idée, une forme ou une matière qui font aujourd'hui sa caractéristique. La somptuosité de certains ornements de la religion catholique se retrouve dans les broderies et bijoux, contrastant avec la sobriété puritaine des cantons touchés par la Réforme.

L'essor économique

Aux 17e et 18e siècles, l'essor des communications européennes révolutionne le commerce et l'industrie suisse. Avec les voies de communications, le tourisme est né : les premières ascensions, les cures d'air pur et le goût des vacances en Suisse vont permettre le développement des vallées jusqu'alors isolées. Nos hôtes étrangers s'attardent sur les couleurs vives des costumes : ils les admirent, souhaitent emporter un souvenir de leur séjour, montrer à leurs amis ces habits si différents selon les régions. La carte postale n'étant pas connue, ce sont les peintres qui vont reproduire ces témoins d'une époque, suivant les procédés alors utilisés. chromolithographies, xylographies, lithographies, aquarelles et gravures sur cuivre restent pour nous les seuls souvenirs d'un temps bien lointain.

En 1848, la Constitution fédérale bouleverse l'économie et la vie de tous les jours : les usines, les fabriques voient le jour rapidement. Et devant les progrès apportés par les machines, l'artisanat tombe en désuétude. Plus de tisserands aux métiers, plus de brodeuses penchées sur leur ouvrage, le costume passe au second plan, pour finalement presque disparaître.

Des gains plus réguliers grâce aux moyens techniques, des cadences plus rapides de la production débouchent sur une aisance matérielle, et l'ouvrier se tourne alors plus volontiers vers les tissus, soieries et matières jusque-là inaccessibles à sa bourse.

Les rouets ne tournent plus, la fileuse n'a plus autour d'elle de jeunes enfants auxquels elle transmet les contes et légendes de son enfance : là aussi, la tradition se meurt.

On brûle ce que l'on a aimé et l'Europe entière prend la même couleur. On achète du "moderne" en série, et tant pis pour les beaux meubles peints, les toiles tissées au coin du feu ou les comptines rythmées par le chant du rouet...

La renaissance du costume vaudois

"Dieu merci, au lendemain de notre Fête des vignerons de 1889, il s'est produit à l'égard du costume vaudois un commencement de réveil artistique et national."

C'est par ces quelques lignes d'Alfred Ceresole, tracées d'une main malhabile et à moitié effacées par les ans, figurant sur la page de garde du premier cahier de ses procès-verbaux que commence l'histoire de l'Association cantonale du costume vaudois.

Oh ! bien sûr ! Ce costume de 1889 n'a plus qu'un très lointain rapport avec les lignes sobres du costume traditionnel. La scène de Vevey, l'arène de la Fête des Vignerons en ont fait un costume d'opérette, sans autre. mais il convient aussi de se souvenir que la corporation des vignerons est sans conteste à l'origine du costume vaudois. De nos jours d'ailleurs, l'homme porte le gilet recréé pour la fête de 1927, et le chapeau "à borne" de la vaudoise figure sur toutes les gravures des fêtes passées.

En 1916, en pleine guerre mondiale, une femme, Madame Mary Widmer-Curtat, va relancer le costume vaudois, le remettre à l'honneur et grouper autour d'elle des femmes ayant le même idéal. L'Association des Vaudoises - ainsi se nomme au départ ce groupement qui ne compte que des dames - se fixe les buts suivants : maintenir les traditions et l'art choral, étudier le patois, cultiver l'histoire et la littérature nationales, porter un costume simple, exclu de toute fantaisie.

L'apport du chant et de la danse

Très actives sur le plan social durant les guerres, les Vaudoises organisent des ventes et des bazars, afin d'aider les soldats et les réfugiés. Bien vite, elles fondent un chœur conduit par Carlo Boller, et le "Festival vaudois" devient à la mode.

Au fil des ans, l'Association cantonale du costume vaudois, tout en restant attachée à sa devise "Fidèle à Dieu, au Pays, au Foyer", subit des modifications inévitables, tout comme la "Société cantonale des chanteurs vaudois" ou la "Société cantonale de gymnastique". Avec le recul des problèmes sociaux liés aux conflits mondiaux, l'association devient mixte, tout d'abord en raison des impératifs des concerts, puis, grâce à l'introduction de la danse populaire, elle change de visage. Plus axée vers le spectacle, elle compte aujourd'hui une trentaine de sections qui ont chacune leur propre activité et qui se regroupent plusieurs fois l'an pour travailler la danse ou le chant, présenter un programme commun au Comptoir Suisse ou lors de l'assemblée générale annuelle.

En 1926, l'Association cantonale du costume vaudois participe activement à la création de la Fédération nationale des costumes suisses, et elle rejoint les groupes d'autres cantons lors des fêtes fédérales. Elle fait partie de la Commission des costumes romands et chante ou danse ainsi avec les cantons de langue française.